La
loi prévoit qu’en France, un procès d’assises en appel se tienne dans la cour
la plus proche de celle où l’accusé a été jugé en première instance. En
général, cela se fait dans une cour du même département, au pire dans un département
limitrophe, afin naturellement de ne pas entraîner trop de frais. Compte-tenu
de la singularité géographique attenante aux départements ou territoires dits
d’outre-mer, le 4ème alinéa de l’article 380-11 du code de procédure
pénale prévoit que, par dérogation, « la chambre criminelle de la Cour de
cassation pourra désigner la même cour d’assises, autrement composée ».
Or,
la circulaire parue au bulletin officiel du Ministère de la Justice au dernier
trimestre de l’an 2000, précise clairement les choses : Cet aménagement au
principe selon lequel doit être désignée une autre cour d’assise était
indispensable pour éviter que les appels des décisions rendues par les cours
d’assises d’outre-mer ne soient examinés par des juridictions éloignées de plusieurs
milliers de kilomètres (…). En pratique, même si la désignation de la même
juridiction autrement composée ne constitue qu’une possibilité, l’application
des dispositions du 2ème alinéa de l’article 380-11 par la chambre
criminelle de la Cour de cassation devra être systématique, sauf circonstances exceptionnelles justifiant la
délocalisation de l’affaire. »
Lorsqu’on
sait que la délocalisation qui nous intéresse n’a même pas été motivée (on y
parle tout au plus de bonne administration de la justice), on est en droit de s’interroger
sur les intentions de ceux qui se livrent à ces manœuvres. Certes
Les
circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier d’une telle décision sont
là aussi bien définies. Le dépaysement est logique lorsqu’il y a un conflit
d’intérêt, par exemple si un magistrat est amené à être jugé par un confrère de
la même juridiction. On demande alors le renvoi pour suspicion légitime. On
délocalise aussi s’il y a risque d’atteinte à la sûreté publique. Or non
seulement le procès en première instance n’a été émaillé par aucun trouble,
aussi insignifiant soit-il, mais qui plus est, le protocole suivi par le parquet
qui se réfugie derrière une simple décision d’administration judiciaire »
n’obéit en aucune façon à la procédure pour arguer de circonstances
exceptionnelles qui justifieraient le renvoi du procès à 8000 kilomètres. Ce
qui fait dire à maître Démocrite, défenseur de Ruddy Alexis :
« comprendrait-on qu’un justiciable de Dijon soit envoyé à la Cour
d’assises de Basse-Terre ou de Nouméa pour
être jugé ?! » C’est pourtant à ce type de situation que Ruddy Alexis
est confronté.
Pour
la Guadeloupe, dans les faits, depuis que la procédure d’appel existe en cour
d’assise, le fait de juger en seconde instance quelqu’un dans un autre Palais
de justice n’a eu lieu qu’une unique fois. C’était à la suite du procès en
assises d’Hans Peterson, que j’avais à l’époque longuement chroniqué dans mon
blog. Mais les deux affaires sont-elles seulement comparables ? Dans le
cas d’Hans Peterson, le crime avait été commis à Chicago, alors même que
Peterson n’avait pas encore la nationalité française. Il avait été arrêté à St
Martin et déféré à Basse-Terre. A la fin du procès, il avait récusé tous ses
avocats guadeloupéens et surtout, c’est lui-même qui avait demandé à être jugé
à Paris.
Invoquant
toutes les difficultés inhérentes à la délocalisation du procès et les
problèmes de principe qu’une telle décision soulève, les avocats de la défense
ont envoyé une demande de rétractation à la Chambre criminelle de la Cour de
cassation de Paris afin que la cour d’assises parisienne soit dessaisie de
cette affaire. Envoyée une semaine avant l’ouverture du procès, ce qui a été
qualifié de « cavalier » par l’avocat général, cette demande s’est
perdue. Le jour de l’ouverture du procès, le président a même remis en cause
son existence légale et menaçait de passer outre si elle n’était pas réapparue
au terme d’une suspension de séance. La suspension fut brève et à son retour,
le président de Jorna revenant des locaux de la chambre criminelle, située dans
les bâtiments juste en face, annonçait qu’elle avait finalement été retrouvée à
14h40 (il devait être alors aux environs de 15h30) et que la chambre criminelle
avait déjà statué, adressant une fin de non-recevoir à cette requête. Maître
Derussy, apprenant en Guadeloupe la nouvelle du rejet de la demande en moins
d’une heure de temps, lâchera n’avoir jamais vu ça en 30 ans de carrière. Ruddy
Alexis, qu’on a laissé croupir 44 mois en préventive appréciera sans doute
quant à lui, la soudaine célérité de la justice.
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
Juste une critique : cette illustration photographique est nulle et non avenue. Non seulement ton article ne parle pas de la Ministre de la Justice, mais en plus cette photo évoque une autre affaire, où en plus elle est en situation délicate, présentant à la presse des documents qui prouvent qu'elle est au courant de ce qu'elle prétend ne pas savoir... c'est-à-dire une photo qui la montre en situation d'incompétence, alors je pose la question : que veux-tu dire en associant cette photo à ton article ??? Je trouve que c'est à la limite de la diffamation à l'égard de Mme la Ministre de la Justice.
RépondreSupprimeret où est-elle Christiane sur ce coup là ? Peut-être médite-elle encore un texte de Léon gondran Damas :
RépondreSupprimer"J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion"
in "Solde",
mdrrrrrr c'était juste un clin d'oeil que je trouvais rigolo pour détendre l'atmosphère sur un article un peu technique. Apparemment, c'est raté ! ;) Pour info, j'apprécie beaucoup Taubira, j'ai d'ailleurs eu l'opportunité de la rencontrer depuis mon arrivée et elle a été très attentive à ce qu'on lui a dit.
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