lundi 24 décembre 2012

Procès Bino : 13° L’ignominie



L’entêtement de Patrice Tacita



Dans un premier temps, ils étaient quatre à défendre les intérêts de la compagne de Jacques Bino, Marie-Antoinette Datil et de leur fils, Cédric : maîtres Sarah Aristide, Evita Chevry, Roland Ezelin et Patrice Tacita, qui rappelons-le, était délégué LKP pour le groupe carnavalesque Akiyo auquel appartenait justement Jacques Bino. Après lecture du dossier, tous étaient convaincus du fait que dans cette affaire, Ruddy Alexis tenait lieu de bouc-émissaire, tous sauf Patrice Tacita, le seul à vouloir à tout prix le faire condamner. Ne pouvant aller devant la cour d’assise en ordre dispersé, et devant l’entêtement de leur confrère, ce sont les autres qui se sont retirés à contrecœur. Néanmoins, ils feront acte de présence pendant le procès en venant en robe noire, s’asseoir de façon symbolique au côté des avocats de la défense, un geste fort qui n’est pas passé inaperçu. C’est donc maître Tacita qui a sciemment entraîné la famille de Jacques Bino, désemparée, dans cette mascarade qu’a été l’accusation contre Ruddy Alexis. Il a pour cela reconstitué son équipe en s’entourant en premier lieu de son père, Socrate Tacita, puis de maîtres Malouche, Diallo, Rhodes (la fille), Calvaire et Troupé.



 L'avocat général, Camille Tardo-Dino et maître Patrice Tacita (photo ©FG)


« Je suis Jacques Bino ! »



D’aucuns s’étonneront de voir un ancien dirigeant d’Akiyo, qui plus est ex-délégué du LKP, s’aligner avec autant de légèreté sur la version échafaudée par la police judiciaire et se ranger sans état d’âme au côté de l’Etat et de l’avocat général. On aurait attendu au minimum un peu plus d’esprit critique et des arguments propres, autres que ceux soulevés par une enquête calamiteuse et malhonnête, qui n’ont cessé de s’effriter tout au long des débats contradictoires. Mais l’étonnement et l’incompréhension feront place à la fin du procès à de l’indignation pure et simple. Et c’est du père, Socrate, que viendra l’indignité, lors de ses conclusions. Le fils lui se contentera de jouer sur la corde sensible, sur l’émotionnel, en interprétant avec un réel talent de comédien le rôle du mort. « Je suis Jacques Bino ! », commencera-t-il avant de poursuivre à la 1ère personne en expliquant le sens de son engagement politique au sein du LKP (celui de Bino, suivez s’il vous plait) pour mieux fustiger juste après la jeunesse insurgée ce soir-là, qui elle, n’était constituée que de délinquants sans scrupule (et surtout sans rapport avec la noble cause que lui défendait) et dont la violence aveugle a causé sa mort. Un procédé douteux mais efficace quand il est porté avec talent.





Le chabin aux yeux tristes



Les autres avocats de la partie civile ne feront pas parler les morts. Maître Malouche par exemple se contentera modestement d’aborder les aspects techniques et logiques de l’enquête, expliquant notamment qu’il n’est pas logique de penser que le meurtre de Bino puisse être l’œuvre d’un commando envoyé par l’Etat puisque c’est précisément le meurtre du syndicaliste qui a conduit l’Etat à reprendre des négociations qui étaient au point mort pour déboucher sur des accords favorables aux elkapistes. Maîtres Calvaire et Troupé, avec une certaine subtilité ont prouvé eux, que sous la robe noire pouvait se cacher une conscience. Leurs conclusions, censées incriminer la victime, ont subrepticement fait part du doute qui étaient le leur pour ne pas dire plus et ont finalement rendu Ruddy sympathique aux jurés, si besoin était, notamment lorsque maître Troupé l’a qualifié de chabin (1) aux yeux tristes, faisant même preuve d’un certain humour en décrivant un homme que toute femme pourrait désirer comme gendre, voire pour elle-même ! L’avocat général, lui, tiendra un réquisitoire comme si les débats n’avaient pas eu lieu, comme si les témoins ne s’étaient pas un à un rétractés ou plutôt si, il expliquera qu’ils sont « tous venus témoigner avec la peur au ventre », dénonçant des intimidations. Et peu importe si on les a tous entendu dénoncer de quel côté les menaces et les intimidations étaient venues, à savoir du sien, des forces dites de l’ordre, de l’Etat.




La CTU désignée responsable du meurtre



C’est donc Socrate Tacita qui va se charger de porter la charge la plus lourde, les accusations les plus graves. Il commence par revenir sur la fuite de Ruddy Alexis, le jour où les policiers sont venus l’arrêter à son domicile (2). « Et il a fui où ? A la cour des miracles, au local de la CTU ! » Est-il besoin de rappeler que la cour des miracles au Moyen-âge désignait un repaire de mendiants, d’escrocs, de voleurs, une zone de non-droit. Il avait pourtant au tout début de ses conclusions martelé : « ce n’est pas un procès politique ». Malaise.

Concernant ensuite cette histoire ridicule de texto relayé par Eric Nanette et dont Ruddy avait été un des destinataires, ce dernier avait été interrogé par la police : « pensez-vous que ce SMS soit de nature à faire chauffer le climat social ? » ; il avait eu le malheur de répondre « oui », pensant certainement plus au contenu, les propos pour lesquels Huygues-Despointes sera poursuivi pour incitation à la haine raciale, qu’au fait même de relayer ce message. Dans la bouche de maître Tacita, cela devient : 

« il va retrouver Nanette qui lui avait dit le matin des faits qu’il fallait chauffer le climat social » et se tournant vers Ruddy avec un doigt inquisiteur : « comment se fait-il qu’on s’adresse à vous pour faire chauffer le climat social ?! »
Il fait ensuite le parallèle avec l’agression des forces de l’ordre qui a conduit Alex Lollia, secrétaire général de la CTU, à l’hôpital la veille. « On comprend mieux que lui et ses camarades soient remontés. » Et ainsi donc il fait plus que sous-entendre que les cadres de la CTU, comme Nanette, ont poussé des jeunes comme Ruddy Alexis au crime pour venger « leur chef ». 




Règlements de compte



A cet instant de sa plaidoirie, je ne peux que resonger à l’indignation exprimée de façon si grandiloquente par Patrice Tacita alors que maître Démocrite demandait qu’on arrête de « torturer » Martinvallet en relisant pour la énième fois sa déclaration, phrase par phrase, alors qu’il avait déjà admis avoir livré un faux témoignage :
« Respectez la mémoire de Jacques Bino !!!! Respectez la douleur de Marie-Antoinette Datil !!!! Respectez la douleur de son fils !!!! »
avait tonné l’avocat de la partie civile en plein tribunal ! Et ainsi donc ceux-là même qui osaient parler du respect de la famille, qui l’ont entraîné, cette famille si éprouvée, dans pareille mascarade de justice avec le résultat qu’on sait, ainsi donc, ce sont eux qui n’ont pas hésité à instrumentaliser la douleur de la famille et tout ça pour quoi ? Pour régler des comptes entre nationalistes et le syndicat trotskiste, de vieilles querelles ?! Le moment est pathétique, la scène surréaliste, furieux Lollia quitte l’audience brutalement. (3)





Deux postures politiques différentes



Le malaise est renforcé par l’absence remarquée d’Elie Domota qui n’a pas souhaité témoigner. Il aurait préféré que tous ensembles, avocat de la défense et de la partie civile défendent l’innocence de Ruddy Alexis et surtout qu’ils exigent que la vérité soit faite sur les véritables conditions du meurtre de Jacques Bino. Il n’a cependant pas voulu prendre partie pour la défense à partir du moment où l’équipe de Tacita défendait les intérêts de la veuve de Jacques Bino. Cela serait revenu à prendre position contre elle, ce que son éthique lui défendait. 
A côté de cette position, on saluera d’autant plus le courage politique et le sens de la justice de Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG, qui, en dépit du fait que Jacques Bino faisait partie de sa centrale, n’a jamais pu se résoudre à laisser un innocent se faire condamner et conséquemment, a clairement pris position pour la défense de Ruddy Alexis. Cela a naturellement été mal compris par une partie de sa base qui estimait que sa place était au côté de Marie-Antoinette Datil et non de celui qu’on accusait du meurtre de leur camarade, mais Nomertin a toujours refusé cet antagonisme voulu par le seul Patrice Tacita. En exigeant sans relâche et en continuant à exiger la vérité sur la mort de Jacques Bino et en refusant de cautionner cette parodie d’enquête, en condamnant enfin la manipulation des Tacita, il n’a certainement trahi ni Marie-Antoinette Datil, ni son fils et encore moins la mémoire de son camarade et ami. Bien au contraire !



FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1) Chabin : métis à la peau claire
(3) lire l'encadré à la fin de l'excellent article de Boris Colombet France-Antilles : Procès de Ruddy Alexis, un fiasco pour l'accusation  

dimanche 23 décembre 2012

Procès Bino : 12° Le coup de grâce



Dans mon article précédent, je me suis contenté de vous renvoyer à l’excellent papier de Boris Colombet (1). Je vais toutefois revenir sur le coup de théâtre qu’a constitué le témoignage de Cyrille Martinvallet en le replaçant dans son contexte et en apportant un éclairage sur certains aspects que France-Antilles n’a pas développé. Nous sommes à la fin des débats. Cette après-midi-là a été presque exclusivement consacrée à la lecture de pièces du dossier, comme c’est l’usage à la fin d’un procès d’assise, à la demande de la défense, de la partie civile et de l’avocat général. De longues heures se sont ainsi égrenées assez peu passionnantes, il faut bien l’avouer. On était donc loin d’imaginer à la toute fin d’après-midi qu’on allait assister à un événement qui devait conduire à faire voler en éclat le dernier atout de poids de l’accusation.



Ruddy Alexis, dans le box, s'entretient avec deux de ses avocats (maîtres Daninthe et Démocrite) pendant une interruption de séance (photo  ©FG)


Une accusation qui prend l’eau de toutes parts



Entre autres documents, les avocats de la défense ont demandé à ce qu’il soit fait lecture de tous les témoignages des policiers qui se trouvaient à proximité de la cité Henri IV, le soir du crime. Laborieuse lecture dont le seul but était de mettre en évidence qu’aucun policier n’avait été en mesure d’identifier qui que ce soit ce soir-là et encore moins Ruddy Alexis. Ces témoignages sont à mettre en relation  avec celui d’un policier entendu à la barre au début du procès, Jean-Marie Arroyal et qui répondait que, pris à parti par des jeunes armés qui les « tiraient comme des lapins », ils n’avaient pu identifier personne, précisant qu’à 50 mètres, ils ne pouvaient distinguer que des silhouettes, qu’il n’y avait pas l’électricité… De quoi remettre en cause certains témoignages extrêmement précis, livrés par des témoins, comme messieurs Forbin et Zenon, qui se trouvaient à plus de 100  mètres du tireur… Concernant Forbin, la défense aura d’ailleurs beau jeu d’expliquer qu’il s’agit d’un indicateur de police : « la police l’a appelé le lendemain des faits sur son portable pour lui demander s’il connaissait l’auteur des faits, c’est dans le dossier ! » s’exclamera maître Démocrite. Rappelons que tous les témoins sont revenus sur leurs déclarations, hormis précisément Forbin et son cousin Zenon dont j’ai expliqué le degré de confiance qu’on pouvait accorder à son témoignage (2). Ajoutons que  les pièces à conviction ont disparu (3), qu’à aucun moment l’accusé n’a fourni le moindre aveu, qu’en dépit de ses efforts répétés, l’accusation n’est pas parvenue à le déstabiliser une seule fois ni à faire apparaître la moindre incohérence dans ses déclarations. Et concluons le bilan à ce stade du procès en précisant que la bataille de l’opinion publique, quant à elle, est perdue depuis longtemps, la couverture médiatique faisant état quotidiennement des aberrations et de la faiblesse du dossier monté par la capitaine Bonamy (dont le travail a pourtant eu l’heur de plaire à sa hiérarchie puisqu’elle est depuis passée du grade de capitaine à celui de commandante…). Sentant donc un verdict fatalement défavorable aux intérêts de l’Etat se profiler, l’avocat général a souhaité reprendre la main avant la fin des débats et c’est alors qu’il va commettre ce que le journaliste de France-Antilles n’hésitera pas à qualifier de « monumentale erreur stratégique ».





Les fadettes de Nanettes



L’avocat général a en effet demandé la lecture de la conclusion accompagnant les fadettes (relevés téléphoniques) d’Eric Nanette, prétexte aussitôt saisi au vol, dans un beau numéro de duettistes, par le président Fagalde pour rappeler Nanette à la barre alors qu’il avait déjà livré son témoignage quelques jours auparavant. Eric Nanette est un employé municipal de la ville de Pointe-à-Pitre, très engagé dans la vie syndicale et associative, il a des responsabilités au sein de la CTU (Centrale des Travailleurs Unis) et est président d’une association très dynamique sur la cité Henri IV, la Tyrolienne, qui se charge de défendre les locataires et se dévoue pour les personnes du troisième âge. Ruddy Alexis en faisait partie et depuis son arrestation, les personnes âgées de l’association prient pour sa libération. Rappelons enfin l’existence du SMS se contentant de reprendre pour les dénoncer, des propos racistes tenus par M. Huygues-despointes, béké martiniquais, dans le reportage des Derniers maîtres de la Martinique, diffusé par Canal+. Le fait que M. Nanette l’ait relayé entre autres personnes à Ruddy Alexis, aurait constitué, selon le parquet et les avocats de la partie civile qui n’ont pas peur du ridicule, un appel au meurtre (4)…

Le magistrat demande à Nanette revenu déposer, s’il a eu connaissance des graves accusations portées contre lui par Martinvallet et lues depuis à deux reprises. Nanette répondant par la négative, ce dernier se fait donc un devoir de lui rappeler que Martinvallet aurait affirmé aux enquêteurs, entre autres choses plus ou moins délirantes, l’avoir entendu dire à d’autres membres de la CTU que c’est Ruddy qui avait tué Bino et qu’il toucherait un bon paquet d’argent pour ça à sa sortie de prison. Nanette réfute calmement mais fermement ces accusations. Alex Lollia manifeste alors discrètement son désir d’être lui aussi entendu à nouveau, il connait bien Martinvallet et a des choses à dire. La défense obtient qu’il soit à son tour réentendu.

                                                   



Un indicateur et un violeur



C’est un Alex Lollia en grande forme qui se rend à la barre et qui commence par s’étonner de l’absence de Martinvallet. Le président explique qu’il a été convoqué mais qu’il n’a pas répondu à sa convocation et qu’on ne l’a pas trouvé. Ayant été dit précédemment qu’il s’était présenté spontanément auprès des services de polices pour apporter son premier témoignage, le secrétaire général de la CTU s’étonne du fait que lorsqu’on ne le convoque pas, il vienne de lui-même et que lorsqu’on le convoque, il ne vienne pas. « C’est tout de même curieux, ça non ? » Il rappelle dans quelles conditions la CTU a acceptée de le laisser dormir dans les ses locaux et s’attire les foudres de M. Tardo-Dino, l’avocat général, lorsqu’il affirme que Cyrille Martinvallet est un indicateur de police et un violeur. Sans se démonter, Lollia raconte comment Martinvallet lui-même s’était ouvert à lui du fait que la police le harcelait pour avoir des informations sur ce qui se passait à la CTU pendant les 44 jours de 2009. Il explique aussi qu’il est bien placé pour dire que c’est un violeur, puisque c’est lui qui, à la demande de sa sœur, l’a orienté vers un avocat de sa connaissance pour sa dernière affaire de viol. Là-dessus, il propose au président du tribunal si la police n’est pas capable de le trouver, de le ramener le lendemain matin, affirmant savoir où il habite, connaissant en outre les domiciles des cinq, six maîtresses avec qui il a eu des enfants et qui sont susceptibles de l’héberger. Maître Diallo bondit de son banc : « suffisamment de témoins ont été intimidés dans ce procès, je vous interdis de l’approcher ! ». Embarrassé, l’avocat général sera contraint de lancer le soir même un mandat d’amener et on comprendra le lendemain quand il sera enfin présenté devant les jurés, pourquoi le parquet avait mis si peu d’empressement à l’amener ici.





Coup de tonnerre !



Alors qu’il est appelé à la barre, le policier chargé d’amener Martinvallet vient prévenir le président que le témoin refuse de témoigner. Le président, l’avocat général, les divers avocats quittent alors la salle d’audience et visiblement parviennent à lui faire comprendre qu’il est dans son intérêt de  parler car il finit par se présenter. Le juge commence à relire son témoignage et lui demande s’il confirme ses propos. La réponse est laconique : 

 « -       Non .

-      Ce n’est pas ce que vous avez déclaré aux policiers qui vous ont entendu ? s’enquiert le président.

-      J’ai fait un faux témoignage. »

Et d’expliquer de mauvaise grâce qu’il a plusieurs grosses affaires au-dessus de sa tête et que les policiers lui ont demandé de porter ces accusations, en échange de quoi, ses affaires seraient enterrées. Il affirmera ne pas connaître le nom de ces policiers, il n’est pourtant pas difficile de savoir qui l’a auditionné, normalement ça apparait sur le PV d’audition. Enfin, dans une procédure normale, dans ce dossier, on ne peut jurer de rien, peut-être les pages en question vont-elles disparaître à leur tour si ce n'est déjà fait ? Plusieurs fois, on le menace s’il ne maintient pas sa première déclaration :

« Monsieur, vous travaillez comme vigile dans la sécurité. Vous savez qu’on ne peut pas exercer cette profession si on a un casier judiciaire, et si vous êtes convaincu d’avoir fait un faux témoignage vous aurez un casier. »

Mais contre toute attente, dans un élan de dignité retrouvée, il ne se laisse pas intimider et maintient qu’on l’a contraint à faire un faux témoignage, qu’il préférerait aller en prison que d’y envoyer un innocent.





Les méthodes de la police judiciaire



On lui avait certainement dit qu’un tas de témoignages accablait déjà Alexis et qu’un de plus, ça ne changerait pas grand-chose. Il a aussi déclaré que dans un premier temps, c’est Alex Lollia que les policiers lui avaient demandé d’incriminer et que devant son refus, ils s’étaient rabattus sur Nanette. 
Ruddy Alexis lui aussi a dénoncé ce genre de pression :



« Ils voulaient d’abord que j’implique les autres témoins, ceux qui étaient venus avec moi puis ils m’ont menacé, fait du chantage : si je n’impliquais pas Eric Nanette comme commanditaire, ma femme irait en prison et ma fille à la DDASS, ils me l’ont répété plusieurs fois. » 

Mais lui n’a jamais cédé à ces pressions. Lorsque le président lui a demandé, à son avis, pourquoi les policiers auraient voulu faire condamner Eric Nanette, il a répondu :

 « Ils ont sans doute voulu impliquer des membres du LKP, enfin c’est une supposition. Ils ont certainement voulu ternir l’image du LKP. »

 FRédéric Gircour  (chien.creole@gmail.com)




 


samedi 15 décembre 2012

Procès Bino : 11° Coup de théâtre retentissant !

Une fois n'est pas coutume mais je vais vous renvoyer à un article... de France-Antilles ! Comme j'ai pu l'écrire sur Facebook le jour de sa sortie, si ce journal régional se met à écrire des articles aussi objectifs sur les faits et aussi mordants en ce qui concerne l'analyse, Chien Créole peut aller prendre sa retraite le cœur léger ! Comme je n'aurais pas mieux écrit ce qui est dit ici par Boris Collombet, loin s'en faut, je lui laisse la parole et lui tire mon chapeau pour son style aussi courageux que percutant ! 




Procès Bino : 10° Les preuves matérielles de la culpabilité de Ruddy Alexis.



Alors que les témoignages censés mettre en cause Ruddy Alexis s’effondrent les uns après les autres, force est de constater que les preuves matérielles sont tout aussi inconsistantes. L’arme du crime n’a jamais été retrouvée, aucune brenneke (1) ou balle similaire n’a été découverte chez l’accusé, seulement (faut-il le rappeler ?) des plombs. Finalement le seul élément matériel à charge contre Ruddy, c’est une paire de gants noirs et un bandana de la même couleur retrouvés à son domicile qui porteraient des traces de « résidus de tir ».


« Cet arbre, c’est mon bik (2) »

Précisons d’abord que Ruddy Alexis prétend en avoir l'usage lors des défilés qu’il réalise avec son groupe carnavalesque : Toumblak. L’accusation lui fait remarquer que les gants en question ont été trouvés dans les racines du manguier où étaient cachées les munitions qu’il affirme utiliser pour la confection de chachas (3). « Mais cet arbre c’est mon bik ! » expliquera Ruddy Alexis, qui précise qu’il y entrepose ses affaires de carnaval, qu’il vient là pour lire la bible ou France-Antilles, méditer, etc.


Une fenêtre
Lorsqu’on lui demande comment il explique que des résidus de tir aient été retrouvés sur ses effets, il avoue son incompréhension. Il ne se l’explique pas. « Je les conteste » oppose-t-il au président, suivi aussitôt par les avocats de la défense : « Nous les contestons aussi. »
Qu’en est-il exactement ? Les gants et le bandana trouvés chez Ruddy Alexis ont été envoyés et analysés à Lyon par la police scientifique. Au terme d’un rapport de trois pages, qui sera lu par le président du tribunal, trois lignes seulement concluent à la présence de ces résidus de tirs. Pour la défense, ces trois lignes ne signifient rien. En effet, les trois pages précédant ces trois lignes pour le moins lapidaires exposent en détail tout le protocole de l’analyse et essentiellement les différents composants chimiques que l’on est censé retrouver en fonction des différents types de munition utilisés. Une longue et laborieuse liste, très technique, dont aucun détail ne sera épargné aux jurés. Or, la conclusion ne fait absolument pas état de la nature des fameux résidus, comme si les enquêteurs de la police scientifique s’étaient assis sur leur propre protocole… Lors de son plaidoyer, maître Démocrite expliquera qu’il est peut-être naïf, mais qu’il ne croit pas qu’il s’agisse d’un oubli de la part de la fonctionnaire de police qui a rédigé ce rapport. « Je crois qu’elle a voulu nous laisser une fenêtre car il y a des gens qui ne sont pas prêts à obéir à n’importe quel ordre et c’est tout à son honneur ». 

Rappelons au passage qu'aucun témoin n'a parlé du fait que le tireur  aurait porté un bandana noir. Tous s'accordent à dire au contraire qu'il portait une cagoule noire avec des trous pour les yeux; tous sauf Zenon qui lui, parle d'un foulard kaki et bouffant...


Vous avez dit "amateurisme" ?
Lorsque j’ai moi-même été entendu à la barre, j’ai dénoncé le fait que la police avait fait disparaître des pièces à conviction importantes dans le cadre de l’affaire Lautric, liée, quoiqu’en dise la police, au meurtre de Jacques Bino (4). Maître Diallo, pour la partie civile, lors de son contre-interrogatoire avait alors eu cette phrase qui devait prendre tout son sens quelques jours plus tard :
« Monsieur Gircour, je vous rassure (sic), même dans ce tribunal des pièces disparaissent régulièrement. »
Quelques jours plus tard, donc, le président décide d’une suspension de séance de dix minutes et annonce qu’à la reprise, le fameux bandana et les gants, pièces maîtresses dans l’accusation de Ruddy Alexis, seraient montrés aux jurés. Dix minutes s’écoulent, vingt minutes, une demi-heure, finalement l’audience reprend quarante minutes plus tard. Jamais le président ne sera en mesure de présenter ces pièces qui se sont visiblement évaporées dans la nature… Dans un effort pathétique pour tenter de camoufler ce nouveau revers, le parquet va faire déposer pêle-mêle sur une table devant les jurés, tous les scellés de cette affaire… sauf bien sûr celui des gants et du bandana… Y aurait-il un collectionneur fou au Palais de Justice, une sorte de fétichiste des pièces à conviction ? La question est posée... Chien Créole, en tout cas, ne se permettrait pas de poser celle de l'incompétence du Parquet.

 Maître Daninthe, avocat de la défense, jetant un œil aux scellés qui n'ont pas disparu (photo Boris Callendreau-Colombet)


L'expert ès-carnaval 
On retiendra aussi le show effectué par Patrice Tacita, ancien dirigeant d’Akiyo, et avocat de la partie civile, rappelant sur un ton grandiloquent qu’il a 35 ans de pratique carnavalesque, et qu’on ne peut donc pas le rouler, lui ! Il attaque Ruddy sur le fait que celui-ci a prétendu que les gants retrouvés chez lui, lui servaient pour le carnaval, lorsqu’il joue du tambour. Patrice Tacita fulmine : on  n’utilise pas de gants pour jouer du tambour ! 
Il ne m’aura pourtant pas fallu 5 minutes pour retrouver dans mes clichés de carnaval ces photos qui infirment les assertions de l’expert auto-proclamé, Tacita. 

 photo FG

 Photo FG

 Photo FG

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1)    Brenneke : type de balle utilisé par le meurtrier de Ruddy     Alexis. Les brennekes sont des balles à ailette destinées à la chasse au gros gibier. Elles font partie des munitions dont dispose la police en temps normal.  

(2)     Bik : mot créole signifiant repaire, coin bien à soi dans le cas présent

(3)    Sur les chachas, relire le paragraphe « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les chachas » dans l’article précédent : http://chien-creole3.blogspot.com/2012/12/proces-bino-9-ruddy-alexis-et-la.html
       (4)    A ce sujet, relire http://chien-creole2.blogspot.fr/2011/08/laffaire-lautric-une-affaire-etouffee.html