samedi 15 décembre 2012

Procès Bino : 10° Les preuves matérielles de la culpabilité de Ruddy Alexis.



Alors que les témoignages censés mettre en cause Ruddy Alexis s’effondrent les uns après les autres, force est de constater que les preuves matérielles sont tout aussi inconsistantes. L’arme du crime n’a jamais été retrouvée, aucune brenneke (1) ou balle similaire n’a été découverte chez l’accusé, seulement (faut-il le rappeler ?) des plombs. Finalement le seul élément matériel à charge contre Ruddy, c’est une paire de gants noirs et un bandana de la même couleur retrouvés à son domicile qui porteraient des traces de « résidus de tir ».


« Cet arbre, c’est mon bik (2) »

Précisons d’abord que Ruddy Alexis prétend en avoir l'usage lors des défilés qu’il réalise avec son groupe carnavalesque : Toumblak. L’accusation lui fait remarquer que les gants en question ont été trouvés dans les racines du manguier où étaient cachées les munitions qu’il affirme utiliser pour la confection de chachas (3). « Mais cet arbre c’est mon bik ! » expliquera Ruddy Alexis, qui précise qu’il y entrepose ses affaires de carnaval, qu’il vient là pour lire la bible ou France-Antilles, méditer, etc.


Une fenêtre
Lorsqu’on lui demande comment il explique que des résidus de tir aient été retrouvés sur ses effets, il avoue son incompréhension. Il ne se l’explique pas. « Je les conteste » oppose-t-il au président, suivi aussitôt par les avocats de la défense : « Nous les contestons aussi. »
Qu’en est-il exactement ? Les gants et le bandana trouvés chez Ruddy Alexis ont été envoyés et analysés à Lyon par la police scientifique. Au terme d’un rapport de trois pages, qui sera lu par le président du tribunal, trois lignes seulement concluent à la présence de ces résidus de tirs. Pour la défense, ces trois lignes ne signifient rien. En effet, les trois pages précédant ces trois lignes pour le moins lapidaires exposent en détail tout le protocole de l’analyse et essentiellement les différents composants chimiques que l’on est censé retrouver en fonction des différents types de munition utilisés. Une longue et laborieuse liste, très technique, dont aucun détail ne sera épargné aux jurés. Or, la conclusion ne fait absolument pas état de la nature des fameux résidus, comme si les enquêteurs de la police scientifique s’étaient assis sur leur propre protocole… Lors de son plaidoyer, maître Démocrite expliquera qu’il est peut-être naïf, mais qu’il ne croit pas qu’il s’agisse d’un oubli de la part de la fonctionnaire de police qui a rédigé ce rapport. « Je crois qu’elle a voulu nous laisser une fenêtre car il y a des gens qui ne sont pas prêts à obéir à n’importe quel ordre et c’est tout à son honneur ». 

Rappelons au passage qu'aucun témoin n'a parlé du fait que le tireur  aurait porté un bandana noir. Tous s'accordent à dire au contraire qu'il portait une cagoule noire avec des trous pour les yeux; tous sauf Zenon qui lui, parle d'un foulard kaki et bouffant...


Vous avez dit "amateurisme" ?
Lorsque j’ai moi-même été entendu à la barre, j’ai dénoncé le fait que la police avait fait disparaître des pièces à conviction importantes dans le cadre de l’affaire Lautric, liée, quoiqu’en dise la police, au meurtre de Jacques Bino (4). Maître Diallo, pour la partie civile, lors de son contre-interrogatoire avait alors eu cette phrase qui devait prendre tout son sens quelques jours plus tard :
« Monsieur Gircour, je vous rassure (sic), même dans ce tribunal des pièces disparaissent régulièrement. »
Quelques jours plus tard, donc, le président décide d’une suspension de séance de dix minutes et annonce qu’à la reprise, le fameux bandana et les gants, pièces maîtresses dans l’accusation de Ruddy Alexis, seraient montrés aux jurés. Dix minutes s’écoulent, vingt minutes, une demi-heure, finalement l’audience reprend quarante minutes plus tard. Jamais le président ne sera en mesure de présenter ces pièces qui se sont visiblement évaporées dans la nature… Dans un effort pathétique pour tenter de camoufler ce nouveau revers, le parquet va faire déposer pêle-mêle sur une table devant les jurés, tous les scellés de cette affaire… sauf bien sûr celui des gants et du bandana… Y aurait-il un collectionneur fou au Palais de Justice, une sorte de fétichiste des pièces à conviction ? La question est posée... Chien Créole, en tout cas, ne se permettrait pas de poser celle de l'incompétence du Parquet.

 Maître Daninthe, avocat de la défense, jetant un œil aux scellés qui n'ont pas disparu (photo Boris Callendreau-Colombet)


L'expert ès-carnaval 
On retiendra aussi le show effectué par Patrice Tacita, ancien dirigeant d’Akiyo, et avocat de la partie civile, rappelant sur un ton grandiloquent qu’il a 35 ans de pratique carnavalesque, et qu’on ne peut donc pas le rouler, lui ! Il attaque Ruddy sur le fait que celui-ci a prétendu que les gants retrouvés chez lui, lui servaient pour le carnaval, lorsqu’il joue du tambour. Patrice Tacita fulmine : on  n’utilise pas de gants pour jouer du tambour ! 
Il ne m’aura pourtant pas fallu 5 minutes pour retrouver dans mes clichés de carnaval ces photos qui infirment les assertions de l’expert auto-proclamé, Tacita. 

 photo FG

 Photo FG

 Photo FG

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1)    Brenneke : type de balle utilisé par le meurtrier de Ruddy     Alexis. Les brennekes sont des balles à ailette destinées à la chasse au gros gibier. Elles font partie des munitions dont dispose la police en temps normal.  

(2)     Bik : mot créole signifiant repaire, coin bien à soi dans le cas présent

(3)    Sur les chachas, relire le paragraphe « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les chachas » dans l’article précédent : http://chien-creole3.blogspot.com/2012/12/proces-bino-9-ruddy-alexis-et-la.html
       (4)    A ce sujet, relire http://chien-creole2.blogspot.fr/2011/08/laffaire-lautric-une-affaire-etouffee.html

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