Alors que les
témoignages censés mettre en cause Ruddy Alexis s’effondrent les uns après les
autres, force est de constater que les preuves matérielles sont tout aussi
inconsistantes. L’arme du crime n’a jamais été retrouvée, aucune brenneke (1)
ou balle similaire n’a été découverte chez l’accusé, seulement (faut-il le
rappeler ?) des plombs. Finalement le seul élément matériel à charge
contre Ruddy, c’est une paire de gants noirs et un bandana de la même couleur
retrouvés à son domicile qui porteraient des traces de « résidus de
tir ».
« Cet arbre,
c’est mon bik (2) »
Précisons d’abord
que Ruddy Alexis prétend en avoir l'usage lors des défilés qu’il réalise avec son
groupe carnavalesque : Toumblak. L’accusation lui fait remarquer que les
gants en question ont été trouvés dans les racines du manguier où étaient
cachées les munitions qu’il affirme utiliser pour la confection de chachas (3).
« Mais cet arbre c’est mon
bik ! » expliquera Ruddy Alexis, qui précise qu’il y entrepose
ses affaires de carnaval, qu’il vient là pour lire la bible ou France-Antilles,
méditer, etc.
Une fenêtre
Lorsqu’on lui
demande comment il explique que des résidus de tir aient été retrouvés sur ses
effets, il avoue son incompréhension. Il ne se l’explique pas. « Je les
conteste » oppose-t-il au président, suivi aussitôt par les avocats de la
défense : « Nous les contestons aussi. »
Qu’en est-il
exactement ? Les gants et le bandana trouvés chez Ruddy Alexis ont été
envoyés et analysés à Lyon par la police scientifique. Au terme d’un rapport de
trois pages, qui sera lu par le président du tribunal, trois lignes seulement
concluent à la présence de ces résidus de tirs. Pour la défense, ces trois
lignes ne signifient rien. En effet, les trois pages précédant ces trois lignes
pour le moins lapidaires exposent en détail tout le protocole de l’analyse et
essentiellement les différents composants chimiques que l’on est censé
retrouver en fonction des différents types de munition utilisés. Une longue et
laborieuse liste, très technique, dont aucun détail ne sera épargné aux jurés.
Or, la conclusion ne fait absolument pas état de la nature des fameux résidus,
comme si les enquêteurs de la police scientifique s’étaient assis sur leur
propre protocole… Lors de son plaidoyer, maître Démocrite expliquera qu’il est
peut-être naïf, mais qu’il ne croit pas qu’il s’agisse d’un oubli de la part de
la fonctionnaire de police qui a rédigé ce rapport. « Je crois qu’elle a
voulu nous laisser une fenêtre car il y a des gens qui ne sont pas prêts à
obéir à n’importe quel ordre et c’est tout à son honneur ».
Rappelons au passage qu'aucun témoin n'a parlé du fait que le tireur aurait porté un bandana noir. Tous s'accordent à dire au contraire qu'il portait une cagoule noire avec des trous pour les yeux; tous sauf Zenon qui lui, parle d'un foulard kaki et bouffant...
Rappelons au passage qu'aucun témoin n'a parlé du fait que le tireur aurait porté un bandana noir. Tous s'accordent à dire au contraire qu'il portait une cagoule noire avec des trous pour les yeux; tous sauf Zenon qui lui, parle d'un foulard kaki et bouffant...
Vous avez dit "amateurisme" ?
Lorsque j’ai
moi-même été entendu à la barre, j’ai dénoncé le fait que la police avait fait
disparaître des pièces à conviction importantes dans le cadre de l’affaire
Lautric, liée, quoiqu’en dise la police, au meurtre de Jacques Bino (4). Maître
Diallo, pour la partie civile, lors de son contre-interrogatoire avait alors eu cette phrase qui
devait prendre tout son sens quelques jours plus tard :
« Monsieur Gircour, je vous rassure (sic), même
dans ce tribunal des pièces disparaissent régulièrement. »
Quelques jours
plus tard, donc, le président décide d’une suspension de séance de dix minutes
et annonce qu’à la reprise, le fameux bandana et les gants, pièces maîtresses
dans l’accusation de Ruddy Alexis, seraient montrés aux jurés. Dix minutes
s’écoulent, vingt minutes, une demi-heure, finalement l’audience reprend
quarante minutes plus tard. Jamais le président ne sera en mesure de présenter
ces pièces qui se sont visiblement évaporées dans la nature… Dans un effort pathétique pour
tenter de camoufler ce nouveau revers, le parquet va faire déposer pêle-mêle sur
une table devant les jurés, tous les scellés de cette affaire… sauf bien sûr
celui des gants et du bandana… Y aurait-il un collectionneur fou au Palais de Justice, une sorte de fétichiste des pièces à conviction ? La question est posée... Chien Créole, en tout cas, ne se permettrait pas de poser celle de l'incompétence du Parquet.
Maître Daninthe, avocat de la défense, jetant un œil aux scellés qui n'ont pas disparu (photo Boris Callendreau-Colombet)
L'expert ès-carnaval
On retiendra aussi
le show effectué par Patrice Tacita, ancien dirigeant d’Akiyo, et avocat de la
partie civile, rappelant sur un ton grandiloquent qu’il a 35 ans de pratique
carnavalesque, et qu’on ne peut donc pas le rouler, lui ! Il attaque Ruddy
sur le fait que celui-ci a prétendu que les gants retrouvés chez lui, lui
servaient pour le carnaval, lorsqu’il joue du tambour. Patrice Tacita fulmine :
on n’utilise pas de gants pour jouer du tambour !
Il ne m’aura pourtant
pas fallu 5 minutes pour retrouver dans mes clichés de carnaval ces photos qui
infirment les assertions de l’expert auto-proclamé, Tacita.
photo FG
Photo FG
Photo FG
FRédéric Gircour
(chien.creole@gmail.com)
(1) Brenneke :
type de balle utilisé par le meurtrier de Ruddy Alexis. Les brennekes sont des
balles à ailette destinées à la chasse au gros gibier. Elles font partie des
munitions dont dispose la police en temps normal.
(2) Bik : mot
créole signifiant repaire, coin bien à soi dans le cas présent
(3) Sur les chachas,
relire le paragraphe « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les chachas »
dans l’article précédent : http://chien-creole3.blogspot.com/2012/12/proces-bino-9-ruddy-alexis-et-la.html
(4) A ce
sujet, relire http://chien-creole2.blogspot.fr/2011/08/laffaire-lautric-une-affaire-etouffee.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire