lundi 10 décembre 2012

Procès Bino : 9° Ruddy Alexis et la périphérie



Plus que sur le soir des faits qu’on reproche à Ruddy Alexis, le parquet et la partie civile vont surtout se concentrer sur les à-côtés de son arrestation, faisant dire à la défense que l’accusation reste à la périphérie de cette affaire.


«Quand on a la conscience tranquille, on ne prend pas la fuite»

Ainsi, on va beaucoup interroger le jeune homme sur le fait que le matin où les forces de l'ordre étaient venues l'arrêter, il a pris la fuite, profitant du fait qu'il était sorti effectuer son joggingde très bonne heure. A l'argument plein de bon sens du président Fagalde "quand on a rien à se reprocher, quand on a la conscience tranquille, on ne prend pas la fuite, monsieur !", Ruddy Alexis explique qu'en 1996, il a été arrêté par la police et fera même quatre mois de prison en préventive avant de faire l'objet d'un non-lieu :

"J'ai été tabassé par la SRPJ, menotté aux poignets et chevilles, j'ai reçu des coups de matraque (...), je crachais du sang… je sais de quoi les enquêteurs sont capables, je ne voulais pas que ma fille assiste à ce genre de spectacle."
Il fera aussi allusion à l'arrestation de Patrice Prixain quelques jours plus tôt dans cette même affaire, qui lui aussi avait été violemment passé à tabac par les ninjas du GIGN (1), sous les yeux de sa grand-mère impuissante.

 Patrice Prixain, le jour de sa libération (photo ©FG)

Il explique avoir voulu demander conseil et prévenir de ce qui lui arrivait. Il reconnaît également avoir eu vent de rumeurs sur Henri IV le désignant comme le meurtrier de Jacques Bino.


Géolocalisé sur Pointe-à-Pitre

Il a un peu plus de difficulté à convaincre sur sa première déclaration, où entendu par la police judiciaire, il affirmait ne pas être sorti le soir du meurtre. Avec le stress et la pression, notamment de savoir sa femme et sa fille en garde-à-vue, il se serait trompé de date et aurait confondu avec la veille... Grâce à la géolocalisation de son portable, les enquêteurs avaient alors pu lui démontrer qu'il n'était pas chez lui ce soir-là. 


Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le chacha !

On l’interrogera longuement sur les nombreuses cartouches retrouvées à son domicile. Rappelons tout d'abord que toutes sans exception contenaient des plombs rien à voir avec le type de balles avec lequel on a tué Jacques Bino. L’explication de Ruddy Alexis est simple, il fait partie du groupe carnavalesque Toumblak et en Guadeloupe, on utilise essentiellement des plombs pour mettre à l’intérieur des calebasses qui servent à la confection des chachas, cet instrument utilisé pendant le carnaval. Non seulement, il en fabriquait mais il en vendait aussi.

 Carnavalier, chacha en main (photo ©FG)

 L’avocat général l’interrogera longuement sur la technique pour faire un de ces instruments et c’est ainsi qu’on apprendra qu’il faut une quarantaine de plombs en moyenne par chacha, que c’est sa compagne qui peignait les calebasses, etc., jusqu’à ce qu’à court d’inspiration, M. Tardo-Dino, l’avocat général ait cette question d’anthologie : 

« Et vos calebasses, elles sont en quelle matière ? (sic) »
« En plastique ! » s’esclaffera à voix basse mon espiègle voisin de banc…Ne semblant pas remarquer les sourires narquois, voire hilares  dans le public, l’avocat général revient à la charge :
« Si vous utilisez les plombs pour quelque chose de légal, alors expliquez-nous pourquoi vous aviez caché ces munitions dans les racines du manguier où nous les avons trouvées.
- Je suis père de famille, j’ai une fille, je ne vais pas prendre le risque que ma fille joue avec ! »

 Un des calebassiers dans le jardin de Ruddy Alexis (photo ©FG)

Pensant le décontenancer, maître Malouche, pour la partie civile lui demande alors si sa fille ne s’amuse jamais dans le jardin ? Comme Alexis répond par l’affirmative, il lui demande s’il ne redoutait pas qu’elle tombe dessus. L’accusé rétorque qu’elle joue plutôt vers la véranda et rappelle que sa propriété fait 15 000 m², qu’elle ne va jamais vers le manguier en question. 

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

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