lundi 26 novembre 2012

Procès Bino – 3° Les deux cousins


L’insistante rumeur

Après Prudon et Horn, Patrice Forbin apporte un témoignage un peu plus précis : lui aussi a reconnu Ruddy à sa démarche, à sa voix et à sa corpulence, mais qui plus est, il est formel : il a reconnu les manches de son polo gris qui ­­­­­dépassaient de sa veste. Une veste qu’il disait kaki dans ses déclarations précédentes, devenue grise aujourd’hui, mais pour sa défense, il faisait nuit et il y avait très peu d’éclairage… Il s’embrouille ensuite sur plusieurs détails comme la taille de l’arme. Les avocats de la défense lui lisent un extrait de PV d’audition, il est alors entendu par la capitaine Bonamy :

« - Je pense que c’est lui.
          -      Pourquoi dire aujourd’hui "je pense" alors qu’hier vous     
           disiez "c'est lui" ?
      -          Parce que la rumeur dit ça. »


source : http://www.dorotheedanedjo.com

Le même homme

Néanmoins Forbin est celui qui fait le lien entre le tireur du boulevard Légitimus, et celui qui, quelques minutes plus tard, tirera sur Bino. Pour lui pas de doute, il s’agit de la même personne. Titillé par les avocats de la défense, il maintiendra avoir reconnu formellement Ruddy Alexis passant devant lui, totalement camouflé, après avoir tiré sur le boulevard Légitimus mais reconnaîtra l’avoir perdu du regard et avoir supposé que c’était le même qu’il allait d’abord entendre puis voir agenouillé, en train de tirer, quelques 110 mètres plus loin. Cependant et de son propre aveu, ce soir-là, plusieurs jeunes étaient habillés comme lui.



Toute la vérité

Son cousin, Didier Zenon,  qui affirme être resté à ses côtés, et qui témoigne un jour après les autres n’en démord pas : non seulement il a reconnu formellement Alexis malgré sa tenue de camouflage, mais contrairement à son cousin, il ne l’a pas perdu une seconde des yeux entre le moment où il est parti se changer, celui où il a tiré sur le boulevard Légitimus, celui où il est repassé juste devant lui et son cousin et le moment où il allait ouvrir le feu sur la Fiat Punto de Jacques Bino. À se demander s’il n’était pas amoureux de Ruddy… Il reproche aux trois autres de ne pas assumer, de ne plus vouloir dire la vérité. En tout cas, lui, dira toute la vérité, et si ça doit lui attirer des représailles, « on verra ça après ».


Un témoignage singulier

Malheureusement pour l’accusation, son témoignage se révèle, disons, très original. Quand tous les témoins, y-compris les voisins affirment que le meurtrier de Bino portait une cagoule noire,  avec des trous pour les yeux, lui seul parle d’une sorte de foulard vert, bouffant, qui ne lui aurait couvert que la moitié du visage. Il est incapable de donner plus de précision sur ses vêtements, si ce n’est qu’il portait une tenue de camouflage. Quand tous parlent d’un homme d’1,80 m placé juste derrière le meurtrier de Jacques Bino et qui lui aurait désigné sa cible, lui prétend que le tireur était seul. Ami de longue date de Ruddy selon ses premières déclarations, il affirme à la barre qu’il ne le connaissait que de vue. Il précise par ailleurs sans sourciller qu’il l’a entendu crier « voici la BAC ! » et reconnu sa voix. Souci : selon les enquêteurs, il a réussi ce tour de force à quasiment 110 mètres de distance alors qu’au moins une centaine de jeunes se trouvaient juste devant à encourager les casseurs qui s’en prenaient entre autre, au rideau de fer de la bijouterie Tout l’or du monde… Poussé dans ses retranchements par les avocats, il concèdera ne pas l’avoir vu se changer. Tout au plus l’a-t-il vu se diriger vers le parking où il avait garé sa voiture et vu arriver ensuite un homme de sa corpulence en tenue de camouflage et armé, il en a alors déduit qu’il s’agissait du même…


Antécédents

Comme son cousin Forbin qui a été condamné avec sursis par le passé pour avoir tiré sur une voiture au 22 long rifle, Didier Zenon est obligé de reconnaître aux avocats de la défense qu’il a lui été condamné à 8 mois avec sursis pour vol avec violence, une peine qu’il n’accomplira donc que s’il est convaincu de nouveaux faits délictueux. Au regard de cette information, l’une de ses déclarations à la barre, qu’il a faite tout seul, sans que personne ne lui en parle, peut se révéler intéressante :

« J’ai appris que Philippe Horn m’accusait d’être en train de casser avec lui. J’aimerais qu’on m’explique comment j’ai pu faire pour être en train de casser avec lui alors que je n’ai pas bougé de l’abri-bus !»

Et voilà comment, incidemment, on apprend que son témoignage se révèle être aussi l’alibi qui lui permet d’échapper à la prison…

FRédéric Gircour (chien.créole@gmail.com)


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