L’insistante
rumeur
Après Prudon et Horn, Patrice Forbin
apporte un témoignage un peu plus précis : lui aussi a reconnu Ruddy à sa
démarche, à sa voix et à sa corpulence, mais qui plus est, il est formel :
il a reconnu les manches de son polo gris qui dépassaient de sa veste. Une
veste qu’il disait kaki dans ses déclarations précédentes, devenue grise
aujourd’hui, mais pour sa défense, il faisait nuit et il y avait très peu d’éclairage…
Il s’embrouille ensuite sur plusieurs détails comme la taille de l’arme. Les
avocats de la défense lui lisent un extrait de PV d’audition, il est alors
entendu par la capitaine Bonamy :
« - Je pense que c’est lui.
- Pourquoi
dire aujourd’hui "je pense" alors qu’hier vous
disiez "c'est lui" ?
-
Parce que
la rumeur dit ça. »
source : http://www.dorotheedanedjo.com
Le même homme
Néanmoins Forbin est celui qui fait
le lien entre le tireur du boulevard Légitimus, et celui qui, quelques minutes
plus tard, tirera sur Bino. Pour lui pas de doute, il s’agit de la même
personne. Titillé par les avocats de la défense, il maintiendra avoir reconnu
formellement Ruddy Alexis passant devant lui, totalement camouflé, après avoir
tiré sur le boulevard Légitimus mais reconnaîtra l’avoir perdu du regard et
avoir supposé que c’était le même qu’il allait d’abord entendre puis voir agenouillé,
en train de tirer, quelques 110 mètres plus loin. Cependant et de son propre aveu, ce soir-là, plusieurs jeunes étaient habillés comme lui.
Toute la vérité
Son cousin, Didier Zenon, qui affirme être resté à ses côtés, et qui témoigne
un jour après les autres n’en démord pas : non seulement il a reconnu
formellement Alexis malgré sa tenue de camouflage, mais contrairement à son
cousin, il ne l’a pas perdu une seconde des yeux entre le moment où il est
parti se changer, celui où il a tiré sur le boulevard Légitimus, celui où il
est repassé juste devant lui et son cousin et le moment où il allait ouvrir le
feu sur la Fiat Punto de Jacques Bino. À se demander s’il n’était pas amoureux
de Ruddy… Il reproche aux trois autres de ne pas assumer, de ne plus vouloir
dire la vérité. En tout cas, lui, dira toute la vérité, et si ça doit lui
attirer des représailles, « on verra
ça après ».
Un
témoignage singulier
Malheureusement pour l’accusation,
son témoignage se révèle, disons, très original. Quand tous les témoins,
y-compris les voisins affirment que le meurtrier de Bino portait une cagoule
noire, avec des trous pour les yeux, lui
seul parle d’une sorte de foulard vert, bouffant, qui ne lui aurait couvert que
la moitié du visage. Il est incapable de donner plus de précision sur ses vêtements,
si ce n’est qu’il portait une tenue de camouflage. Quand tous parlent d’un
homme d’1,80 m placé juste derrière le meurtrier de Jacques Bino et qui lui
aurait désigné sa cible, lui prétend que le tireur était seul. Ami de longue
date de Ruddy selon ses premières déclarations, il affirme à la barre qu’il ne
le connaissait que de vue. Il précise par ailleurs sans sourciller qu’il l’a
entendu crier « voici la BAC ! » et reconnu sa voix. Souci : selon les enquêteurs, il a réussi ce tour de force à quasiment 110 mètres
de distance alors qu’au moins une centaine de jeunes se trouvaient juste devant
à encourager les casseurs qui s’en prenaient entre autre, au rideau de fer de la
bijouterie Tout l’or du monde… Poussé dans ses retranchements par les avocats, il
concèdera ne pas l’avoir vu se changer. Tout au plus l’a-t-il vu se diriger
vers le parking où il avait garé sa voiture et vu arriver ensuite un homme de
sa corpulence en tenue de camouflage et armé, il en a alors déduit qu’il s’agissait
du même…
Antécédents
Comme son cousin Forbin qui a été
condamné avec sursis par le passé pour avoir tiré sur une voiture au 22 long
rifle, Didier Zenon est obligé de reconnaître aux avocats de la défense qu’il a
lui été condamné à 8 mois avec sursis pour vol avec violence, une peine qu’il n’accomplira
donc que s’il est convaincu de nouveaux faits délictueux. Au regard de cette
information, l’une de ses déclarations à la barre, qu’il a faite tout seul,
sans que personne ne lui en parle, peut se révéler intéressante :
« J’ai appris que Philippe Horn m’accusait
d’être en train de casser avec lui. J’aimerais qu’on m’explique comment j’ai pu
faire pour être en train de casser avec lui alors que je n’ai pas bougé de l’abri-bus !»
Et voilà comment, incidemment, on
apprend que son témoignage se révèle être aussi l’alibi qui lui permet d’échapper
à la prison…
FRédéric
Gircour (chien.créole@gmail.com)
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