Le refus du papier
Ruddy Alexis, laissant monseigneur Gaillot sur un banc au fond de la salle, s’est assis
où on lui a indiqué : sur une simple chaise en plastique. Pas de box pour
l’accusé comme en Guadeloupe. La salle est beaucoup plus petite que celle de
Basse-Terre, les meubles sont en contreplaqué ou en pin bon marché… A l’ouverture
de l’audience, le président rappelle sèchement que l’audience était censée s’ouvrir
à 9h30 pas à 9h45, et présente au nom de la Cour ses excuses pour le retard. Maître
Mirabeau, à qui incombe la responsabilité de ce retard présente à son tour ses excuses aux
différentes parties et au public et explique qu’il est confronté à d’importantes
difficultés, notamment pour joindre ses confrères en Guadeloupe, vu le décalage
horaire. Mais ce n’est pas tout. Il griffonne quelques mots sur deux feuilles
qu’il transmet à la greffière, laquelle fait passer au président. Ce sont des
conclusions pour demander le renvoi du procès. En effet, je jeune avocat explique
qu’on a refusé de lui transmettre une copie papier du dossier. On s’est
contenté de lui remettre un DVD. Le dossier fait 6000 pages, il a fait le
calcul : à 30 centimes la page, on arrive à la somme rondelette de 1800
euros. Son client n'a pas les moyens de débourser cette somme. Lui, qui le défend gratuitement, non plus. De toute façon, en 24 heures, il lui était impossible de prendre ne
serait-ce que connaissance du dossier. Il prétend qu’au nom de l’article 279,
le dossier imprimé est un droit, montre que les autres parties, l’avocat
général, la partie civile, sans oublier le président, disposent tous de l’imposant
dossier sur leur table. Maître Mirabeau explique qu’il a besoin de le souligner
des parties de ce dossier, d’y mettre des annotations, en un mot de se l’approprier, ce qu’un
DVD ne permet pas de faire.
Ruddy s'entretient avec son avocat, maître Mirabeau, pendant la suspension entre midi et deux - © Frédéric Gircour
"Vous rejetterez ces conclusions !"
Une bataille juridique s’engage
alors autour de l’article 279 que je vous épargnerai. Au-delà de ce point, pour
l’avocat général, Philippe Courroye, comme pour les avocats de la défense, il s’agit
encore et toujours de manœuvres dilatoires et chacun s’emploie à expliquer qu’il
faut que la justice passe. Maître Mirabeau n’est pas un avocat qui viendrait d’être
commis d’office, il substitue les avocats constitués de Guadeloupe qui ont fait
le choix de ne pas venir. Ils étaient aussi responsables, selon eux, de faire
parvenir à leur confrère parisien le dossier papier. C’est faisable en 48
heures par Federal Express. Les droits de la défense n’ont donc pas été bafoués.
Maître Tacita après être revenu à la charge sur la campagne menée selon lui sur
les réseaux sociaux en Guadeloupe avec la chanson de Fred Deshaye qui visiblement l'irrite beaucoup, en profite une fois de plus pour reprocher à Ruddy
Alexis de vouloir choisir ses juges et conclue son intervention en expliquant sur
un ton très courroucé que maître Mirabeau avait manqué à la courtoisie la plus
élémentaire entre avocats en ne venant pas leur serrer la main et d’un ton
péremptoire adressait au président de la cour un énergique :
« Vous
rejetterez ces conclusions », expliquant que là encore la courtoisie et la
déontologie les plus élémentaires avaient été foulées au pied puisque ces
conclusions avait été remises au seul président, ni au parquet, ni à la partie
civile, au mépris du principe contradictoire.
L'art du judo appliqué à la rhétorique
On aurait pu imaginer que
maître Mirabeau, âgé d’à peine 36 ans aurait été pour le moins ébranlé par cette
salve de barrage des parties adverses. C’est pourtant le plus calmement du
monde qu’il répondra à son confrère guadeloupéen : « Vous avez
raison, j’aurais dû vous remettre une copie de ces deux feuilles mais il ne
vous aura pas échappé que j’ai écrit ces quatre lignes dans la précipitation,
dès mon arrivée. Vous savez, ajoute-t-il à l’attention de Patrice Tacita, en
fait vous me donnez raison. » Prenant alors à témoin les jurés tirés au
sort un peu plus tôt, il poursuit : « Vous voyez comme ils se mettent
en colère parce qu’on ne leur a pas remis deux pages ? Deux pages
comprenant seulement quatre lignes, quatre lignes que le Président a pris soin
de lire deux fois à haute voix ? Vous avez vu comme ça les a mis en colère ?
Moi ce ne sont pas deux pages qu’on ne m’a pas remis, mais 6000 !!!
Imaginer qu’elle devrait être ma colère… Heureusement que mon tempérament
indien fait que je suis d’un naturel très calme, rendez-vous compte : 6000
pages sans lesquelles je ne peux pas défendre mon client ! On me donne un
dvd comme s’il s’agissait du cd-rom d’un jeu, mais il ne s’agit pas d’un jeu,
il s’agit de la vie d’un homme qui a déjà été jugé innocent par une Cour d’assises.»
«Ka’w
ka fé ?»
Refaisant allusion à ses origines indiennes, il évoquera encore la figure
tutélaire de Gandhi, source de sagesse et de paix pour lui puis, plus terre-à-terre,
il revient sur les difficultés qu’il rencontre déjà avec le peu qu’il a pu voir
du dossier :
« Il y a un contexte politique, un contexte culturel que je ne
peux pas comprendre en si peu de temps. Il y a des mots, des expressions
créoles, monsieur le président, dans ce dossier. Ka’w ka fé, vous savez ce que ça veut dire,
vous ? Je ne suis pas en train de vous proposer un café, notez bien. Ka’w
ka fé ? Je veux bien faire l’effort d’apprendre le créole en deux mois
mais je ne peux pas le faire en 24 heures, vous en conviendrez. Si je dois joindre mes confrères à chaque fois que je bute sur un mot ou une tournure créole, avant d'arriver à les avoir, de m'enquérir du sens du mot, de son éventuelle polysémie avec une remise dans le contexte, je perds une demi-heure à chaque fois !»
La réponse de la Cour
On sent qu'on est pas au bout de nos peines avec les innombrables problèmes qu'induit ce dépaysement... Et l’on
comprend en effet le déséquilibre qui existe entre la défense qui découvre un dossier, enfin qui devrait le
découvrir si on lui en donnait les moyens et face à lui les avocats de la
partie civile qui le connaissent parfaitement puisque deux d’entre eux
ont assisté au procès en première instance et sont par ailleurs parfaitement au
fait des moindres subtilités de la langue créole, sans même parler du contexte
politique et culturel dont ils n’ignorent rien. Après avoir écouté les
différentes parties, le président impose une suspension de séance
pour statuer sur le renvoi. Dix minutes plus tard, le verdict tombe : le
renvoi est refusé, la difficulté dans laquelle se trouve maître Mirabeau n’est
pas du fait de la justice mais des avocats de la défense en Guadeloupe. La
demande de remise d’un dossier imprimé est rejetée pour les mêmes raisons. Le
procès peut commencer. La "justice" doit passer…
FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)
Que le carnaval commence !
RépondreSupprimeret pourtant tacita faisait partie du LKP, quel jeu joue t-il ? Il sait que Rudy Alexis est innocent.....
RépondreSupprimerIl défend à juste titre la vraie victime qui est feu Jacques Bino si je comprends bien !!!
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