jeudi 1 mai 2014

Procès Ruddy Alexis à Paris - 7ème jour - Malaise balistique



La délicatesse du RAID
 
Dans la seconde partie de mon témoignage, j’aborde la suite qui a été donnée au meurtre, à commencer par l’arrestation violente de Patrice Prixain, jeune étudiant en droit résidant Cité Henri IV. J’avais été le premier média à révéler cette détention pour Chien Créole et surtout les conditions indignes dans lesquelles elle avait eu lieu : la porte plastiquée à 6h00 du matin du petit appartement où il vit avec sa grand-mère, qui l’a élevé, l’irruption d’une demi-douzaine d’hommes cagoulés. Ils n’ont pas hésité à plaquer brutalement la grand-mère contre un mur, alors que les autres se précipitaient dans la chambre où dormait l’étudiant. J’ai relaté aussi son passage à tabac et la façon dont il a été traîné à l’extérieur par le RAID, abandonnant la petite grand-mère avec une porte ne pouvant plus se refermer, dans une cité considérée à juste titre comme dangereuse. 


                                      La grand-mère de Patrice - © Frédéric Gircour

Patrice Prixain, d’après le procureur de l’époque, Jean-Michel Prêtre avait, comme il le dira ensuite pour Ruddy Alexis, été confondu par des témoignages précis et concordants. Ce qui l’a sauvé et a empêché qu’il se retrouve ce jour à la place de Ruddy Alexis, c’est qu’il a pu prouver grâce à la mémoire interne de son ordinateur, qu’il était en train de tchatter à l’heure du crime…


Patrice Prixain, après sa libération - © Frédéric Gircour

 Brenneke or not brenneke ?

Deux jours plus tard, c’était au tour de Ruddy Alexis d’être déféré au parquet. A cette occasion, le procureur donne une conférence de presse à laquelle j’assiste. M. Prêtre affirme que la police a réalisé une perquisition dans la matinée au domicile de Ruddy et y avoir trouvé un grand nombre de cartouches et dans la foulée il précise qu’on a retrouvé la balle brenneke  (1) qui a tué Jacques Bino, celle qui s’est logée à l’arrière de la Punto de la victime, des douilles de brenneke au niveau du muret où le meurtrier était supposément placé et « des cartouches de même type au domicile de Ruddy Alexis ». A la fin de son exposé, je reviens sur ses propos :

« -  Par "des cartouches de même type" vous voulez dire de même calibre ou vraiment des balles brenneke ?

-  Des balles brenneke », m’a répondu le procureur.



"Si ce n'est ton frère, c'est donc toi"

Logiquement, toute la presse a titré qu’on venait de découvrir « un grand nombre de balles brenneke » chez Ruddy Alexis, sans que le procureur n’apporte jamais le moindre démenti. Il faudra la sagacité d’un journaliste de Médiapart, Erich Inciyan, pour dévoiler le pot-aux-roses : si on a  effectivement découvert des brennekes "au domicile" de Ruddy Alexis, ce n’est en aucun cas au cours de la perquisition dont le procureur a fait état mais cela remonte à l’époque où Ruddy Alexis vivait encore chez sa mère. En 1996, on avait retrouvé à l’époque dans le short de son frère Didier, aujourd’hui décédé, deux balles brenneke(2). En 2009, chez Ruddy Alexis, on n'a trouvé que des balles à plombs. Pourquoi s’être livré à cette grossière manipulation de l’opinion publique si on a effectivement des éléments à charge contre celui à qui on veut faire endosser le meurtre ? 


Pour dérangeantes qu’elles soient, les manipulations auxquelles se sont livrées le commandant Gabillard et le procureur Prêtre ne sont cependant pas les plus graves dans cette affaire...


(à suivre)

FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)


(1) Balles à ailettes à l'origine destinées à la chasse au gros gibier, provoquant de très gros dégâts.
(2) A l'époque, les brennekes étaient encore autorisées à la vente en Guadeloupe, ça fait des années qu'elles sont interdites.

1 commentaire:

  1. tu m'étonnes que la cité Henri IV, elle est dangereuse.
    Tu sais pourquoi ?

    Parce que la grand-mère a très bien vu de sa fenêtre que les services publics étaient jetés en pâture aux commerçants et aux artisans par la droite comme par le PS.

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