mercredi 2 avril 2014

Procès Ruddy Alexis à Paris - Que disent les textes ?



 La loi prévoit qu’en France, un procès d’assises en appel se tienne dans la cour la plus proche de celle où l’accusé a été jugé en première instance. En général, cela se fait dans une cour du même département, au pire dans un département limitrophe, afin naturellement de ne pas entraîner trop de frais. Compte-tenu de la singularité géographique attenante aux départements ou territoires dits d’outre-mer, le 4ème alinéa de l’article 380-11 du code de procédure pénale prévoit que, par dérogation, « la chambre criminelle de la Cour de cassation pourra désigner la même cour d’assises, autrement composée ».



 Or, la circulaire parue au bulletin officiel du Ministère de la Justice au dernier trimestre de l’an 2000, précise clairement les choses : Cet aménagement au principe selon lequel doit être désignée une autre cour d’assise était indispensable pour éviter que les appels des décisions rendues par les cours d’assises d’outre-mer ne soient examinés par des juridictions éloignées de plusieurs milliers de kilomètres (…). En pratique, même si la désignation de la même juridiction autrement composée ne constitue qu’une possibilité, l’application des dispositions du 2ème alinéa de l’article 380-11 par la chambre criminelle de la Cour de cassation devra être systématique, sauf circonstances exceptionnelles justifiant la délocalisation de l’affaire. »



Lorsqu’on sait que la délocalisation qui nous intéresse n’a même pas été motivée (on y parle tout au plus de bonne administration de la justice), on est en droit de s’interroger sur les intentions de ceux qui se livrent à ces manœuvres. Certes  



Les circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier d’une telle décision sont là aussi bien définies. Le dépaysement est logique lorsqu’il y a un conflit d’intérêt, par exemple si un magistrat est amené à être jugé par un confrère de la même juridiction. On demande alors le renvoi pour suspicion légitime. On délocalise aussi s’il y a risque d’atteinte à la sûreté publique. Or non seulement le procès en première instance n’a été émaillé par aucun trouble, aussi insignifiant soit-il, mais qui plus est, le protocole suivi par le parquet qui se réfugie derrière une simple décision d’administration judiciaire » n’obéit en aucune façon à la procédure pour arguer de circonstances exceptionnelles qui justifieraient le renvoi du procès à 8000 kilomètres. Ce qui fait dire à maître Démocrite, défenseur de Ruddy Alexis : « comprendrait-on qu’un justiciable de Dijon soit envoyé à la Cour d’assises de  Basse-Terre ou de Nouméa pour être jugé ?! » C’est pourtant à ce type de situation que Ruddy Alexis est confronté.



Pour la Guadeloupe, dans les faits, depuis que la procédure d’appel existe en cour d’assise, le fait de juger en seconde instance quelqu’un dans un autre Palais de justice n’a eu lieu qu’une unique fois. C’était à la suite du procès en assises d’Hans Peterson, que j’avais à l’époque longuement chroniqué dans mon blog. Mais les deux affaires sont-elles seulement comparables ? Dans le cas d’Hans Peterson, le crime avait été commis à Chicago, alors même que Peterson n’avait pas encore la nationalité française. Il avait été arrêté à St Martin et déféré à Basse-Terre. A la fin du procès, il avait récusé tous ses avocats guadeloupéens et surtout, c’est lui-même qui avait demandé à être jugé à Paris.



Invoquant toutes les difficultés inhérentes à la délocalisation du procès et les problèmes de principe qu’une telle décision soulève, les avocats de la défense ont envoyé une demande de rétractation à la Chambre criminelle de la Cour de cassation de Paris afin que la cour d’assises parisienne soit dessaisie de cette affaire. Envoyée une semaine avant l’ouverture du procès, ce qui a été qualifié de « cavalier » par l’avocat général, cette demande s’est perdue. Le jour de l’ouverture du procès, le président a même remis en cause son existence légale et menaçait de passer outre si elle n’était pas réapparue au terme d’une suspension de séance. La suspension fut brève et à son retour, le président de Jorna revenant des locaux de la chambre criminelle, située dans les bâtiments juste en face, annonçait qu’elle avait finalement été retrouvée à 14h40 (il devait être alors aux environs de 15h30) et que la chambre criminelle avait déjà statué, adressant une fin de non-recevoir à cette requête. Maître Derussy, apprenant en Guadeloupe la nouvelle du rejet de la demande en moins d’une heure de temps, lâchera n’avoir jamais vu ça en 30 ans de carrière. Ruddy Alexis, qu’on a laissé croupir 44 mois en préventive appréciera sans doute quant à lui, la soudaine célérité de la justice. 

          FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)


3 commentaires:

  1. Juste une critique : cette illustration photographique est nulle et non avenue. Non seulement ton article ne parle pas de la Ministre de la Justice, mais en plus cette photo évoque une autre affaire, où en plus elle est en situation délicate, présentant à la presse des documents qui prouvent qu'elle est au courant de ce qu'elle prétend ne pas savoir... c'est-à-dire une photo qui la montre en situation d'incompétence, alors je pose la question : que veux-tu dire en associant cette photo à ton article ??? Je trouve que c'est à la limite de la diffamation à l'égard de Mme la Ministre de la Justice.

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  2. et où est-elle Christiane sur ce coup là ? Peut-être médite-elle encore un texte de Léon gondran Damas :

    "J'ai l'impression d'être ridicule
    parmi eux complice
    parmi eux souteneur
    parmi eux égorgeur
    les mains effroyablement rouges
    du sang de leur ci-vi-li-sa-tion"

    in "Solde",

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  3. mdrrrrrr c'était juste un clin d'oeil que je trouvais rigolo pour détendre l'atmosphère sur un article un peu technique. Apparemment, c'est raté ! ;) Pour info, j'apprécie beaucoup Taubira, j'ai d'ailleurs eu l'opportunité de la rencontrer depuis mon arrivée et elle a été très attentive à ce qu'on lui a dit.

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