mardi 8 avril 2014

Procès Ruddy Alexis à Paris - 2ème jour (suite et fin) L'esprit des arts martiaux



Le bras de fer 

A la reprise de l'audience, maître Mirabeau, qui en a profité pour consulter le bâtonnier des avocats de Paris pendant la suspension, déclare se dessaisir de l’affaire puisqu'on ne lui donne pas les moyens de défendre son client. Le président ne l’entend pas de cette oreille : il le désigne aussitôt comme avocat d’office. Fort  de ce nouveau statut, Sanjay Mirabeau réitère la demande d’un renvoi de quelques jours afin de pouvoir étudier un minimum le dossier :
« Je vais découvrir le dossier comme les jurés et je n’aurai rien à leur apprendre » proteste-t-il, ce qui a l’heur d’agacer Régis de Jorna, le président : 
« Les avocats qui connaissent le dossier prennent la responsabilité de laisser Ruddy seul face à une cour d’assise » lui répond le magistrat, tout en ajoutant que la désignation d’office n’empêche en rien « la venue des autres avocats dès le lendemain matin, s’ils le souhaitent. » Le matin même, il avait pourtant affirmé le contraire. Maître Mirabeau, exaspéré devant ce qu'il estime être une atteinte aux droits de la défense, prend alors la direction de la sortie mais le président de Jorna le rappelle fermement : 
« Maître, votre place est ici !». 
Il va jusqu’à le menacer de sanctions disciplinaires s’il franchit le seuil de la porte de la salle d’audience. 
« Vous restez et vous vous taisez si vous ne voulez pas lui parler » lui assène-t’il encore. L’avocat de la défense obtempère et regagne sa place.


Les arts martiaux

Contrairement au premier procès où Ruddy Alexis avait été entendu seulement une bonne semaine après le début des débats, c’est lui que le président souhaite entendre le premier. Cette première journée va tourner autour de sa personnalité et de ses antécédents judiciaires. C’est monsieur de Jorna qui conduit l’interrogatoire. Il commence par l’interroger sur sa pratique des sports de combat. Ruddy est quelqu’un de très sportif qui a longtemps pratiqué différents arts martiaux comme le viet vo dao. 


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 Le viet vo dao, art martial vietnamien

L’accusé désarçonne par ses réponses, énoncées posément et dans un français impeccable. Alors que le président l'attend peut-être sur le terrain de la violence, il explique calmement : 
« la philosophie des arts martiaux, c’est d’abord se vaincre soi-même, savoir contenir ses émotions ». 
Il dément en revanche avoir une passion pour les armes, ni même en posséder. Le président lui oppose alors les trois condamnations dont il a fait l’objet entre 1994 et 1998 pour violence à main armée. « Dans un quartier aussi difficile qu’Henri IV, il faut se faire respecter » tente-t-il d’expliquer avant d'ajouter qu’il a totalement changé de vie depuis qu’il a rencontré sa compagne et choisi de fonder une famille. De fait, maître Mirabeau rappelle que malgré cette jeunesse tumultueuse, il n’a plus fait l’objet de la moindre condamnation entre 2000 et 2009.


Les membres de la famille de Ruddy Alexis

La première personne à témoigner, depuis la Guadeloupe, par visio-conférence est la mère de Ruddy, Maguy Alexis, qui, à la question, quelle profession exercez-vous, répond « femme de ménage ». Visiblement intimidée, ses réponses sont très laconiques et le président se trouve contraint de faire plus ou moins les questions et les réponses. Elle se contente la plupart du temps de ponctuer les phrases du président par un « exact » ou par un « oui ». Elle explique tout au plus qu’à l’école Ruddy était plutôt timide mais qu’il ne fallait pas le contrarier, ce que confirmera un peu plus tard son beau-père, l’homme qui l’a élevé. Son père, également entendu, n’apprendra pas grand-chose aux jurés, puisqu’il ne l’a pas vu grandir. A la question de savoir s’il aimait les armes, le beau-père répond :
«-  Oui, il aimait les armes ».
- L’avez-vous déjà vu avec une arme à feu, l’interroge alors l’avocat général, Philippe Courroye.
- Oui, un fusil à plomb, quand il était jeune. », ce que confirmera sans difficulté Ruddy Alexis.


Une personnalité impulsive ?

Le président lit ensuite le rapport de l’enquêtrice de personnalité, madame Vermorel, qui est empêchée. Ce rapport est franchement positif. Mme Vermorel le présente comme quelqu’un d’aimant, s’occupant bien de sa famille, toujours prêt à rendre service.

Au terme des premiers témoignages livrés par ses proches, la partie civile reprend :
« Monsieur Alexis est calme mais il ne faut pas le chercher ». Ruddy, mis en demeure de dire ce qu’il pense de cette assertion commence par reconnaître ses erreurs de jeunesse et répond :
 « la maîtrise de soi ne s’acquiert pas rapidement, c’est la pratique des arts martiaux qui m’a permis d’acquérir cette philosophie. »
La partie civile enchaîne :
« - Votre beau-père nous a affirmé que vous aimiez les armes.
-          Oui, les armes dont il parle, ce sont celles enseignées dans les arts martiaux, par rapport à ma pratique sportive. »
Le beau-père n’aura pas l’opportunité de préciser sa pensée, son passage par visio-conférence étant terminé… 

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 Les armes traditionnelles utilisées dans la pratique du viet vo dao (source : http://www.vietvodao-thanhlong.fr/les%20armes.html)

En fin d’après-midi, c’est au tour de maître Mirabeau d’interroger son client. Ruddy lui explique être revenu à la religion catholique, il développe l’importance que revêtent pour lui le bénévolat et la charité et d’expliquer son engagement associatif. Avec une gêne certaine, il explique avoir terriblement souffert du décès de son petit-frère, mort du sida après des années de déchéance physique, à se droguer, se prostituer, etc. «Pour lui le décès de Didier a été un tournant, revient maître Mirabeau, il l’a vécu comme un terrible échec.»

La rédaction (un grand merci à Jean-Marc)

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