lundi 24 décembre 2012

Procès Bino : 13° L’ignominie



L’entêtement de Patrice Tacita



Dans un premier temps, ils étaient quatre à défendre les intérêts de la compagne de Jacques Bino, Marie-Antoinette Datil et de leur fils, Cédric : maîtres Sarah Aristide, Evita Chevry, Roland Ezelin et Patrice Tacita, qui rappelons-le, était délégué LKP pour le groupe carnavalesque Akiyo auquel appartenait justement Jacques Bino. Après lecture du dossier, tous étaient convaincus du fait que dans cette affaire, Ruddy Alexis tenait lieu de bouc-émissaire, tous sauf Patrice Tacita, le seul à vouloir à tout prix le faire condamner. Ne pouvant aller devant la cour d’assise en ordre dispersé, et devant l’entêtement de leur confrère, ce sont les autres qui se sont retirés à contrecœur. Néanmoins, ils feront acte de présence pendant le procès en venant en robe noire, s’asseoir de façon symbolique au côté des avocats de la défense, un geste fort qui n’est pas passé inaperçu. C’est donc maître Tacita qui a sciemment entraîné la famille de Jacques Bino, désemparée, dans cette mascarade qu’a été l’accusation contre Ruddy Alexis. Il a pour cela reconstitué son équipe en s’entourant en premier lieu de son père, Socrate Tacita, puis de maîtres Malouche, Diallo, Rhodes (la fille), Calvaire et Troupé.



 L'avocat général, Camille Tardo-Dino et maître Patrice Tacita (photo ©FG)


« Je suis Jacques Bino ! »



D’aucuns s’étonneront de voir un ancien dirigeant d’Akiyo, qui plus est ex-délégué du LKP, s’aligner avec autant de légèreté sur la version échafaudée par la police judiciaire et se ranger sans état d’âme au côté de l’Etat et de l’avocat général. On aurait attendu au minimum un peu plus d’esprit critique et des arguments propres, autres que ceux soulevés par une enquête calamiteuse et malhonnête, qui n’ont cessé de s’effriter tout au long des débats contradictoires. Mais l’étonnement et l’incompréhension feront place à la fin du procès à de l’indignation pure et simple. Et c’est du père, Socrate, que viendra l’indignité, lors de ses conclusions. Le fils lui se contentera de jouer sur la corde sensible, sur l’émotionnel, en interprétant avec un réel talent de comédien le rôle du mort. « Je suis Jacques Bino ! », commencera-t-il avant de poursuivre à la 1ère personne en expliquant le sens de son engagement politique au sein du LKP (celui de Bino, suivez s’il vous plait) pour mieux fustiger juste après la jeunesse insurgée ce soir-là, qui elle, n’était constituée que de délinquants sans scrupule (et surtout sans rapport avec la noble cause que lui défendait) et dont la violence aveugle a causé sa mort. Un procédé douteux mais efficace quand il est porté avec talent.





Le chabin aux yeux tristes



Les autres avocats de la partie civile ne feront pas parler les morts. Maître Malouche par exemple se contentera modestement d’aborder les aspects techniques et logiques de l’enquête, expliquant notamment qu’il n’est pas logique de penser que le meurtre de Bino puisse être l’œuvre d’un commando envoyé par l’Etat puisque c’est précisément le meurtre du syndicaliste qui a conduit l’Etat à reprendre des négociations qui étaient au point mort pour déboucher sur des accords favorables aux elkapistes. Maîtres Calvaire et Troupé, avec une certaine subtilité ont prouvé eux, que sous la robe noire pouvait se cacher une conscience. Leurs conclusions, censées incriminer la victime, ont subrepticement fait part du doute qui étaient le leur pour ne pas dire plus et ont finalement rendu Ruddy sympathique aux jurés, si besoin était, notamment lorsque maître Troupé l’a qualifié de chabin (1) aux yeux tristes, faisant même preuve d’un certain humour en décrivant un homme que toute femme pourrait désirer comme gendre, voire pour elle-même ! L’avocat général, lui, tiendra un réquisitoire comme si les débats n’avaient pas eu lieu, comme si les témoins ne s’étaient pas un à un rétractés ou plutôt si, il expliquera qu’ils sont « tous venus témoigner avec la peur au ventre », dénonçant des intimidations. Et peu importe si on les a tous entendu dénoncer de quel côté les menaces et les intimidations étaient venues, à savoir du sien, des forces dites de l’ordre, de l’Etat.




La CTU désignée responsable du meurtre



C’est donc Socrate Tacita qui va se charger de porter la charge la plus lourde, les accusations les plus graves. Il commence par revenir sur la fuite de Ruddy Alexis, le jour où les policiers sont venus l’arrêter à son domicile (2). « Et il a fui où ? A la cour des miracles, au local de la CTU ! » Est-il besoin de rappeler que la cour des miracles au Moyen-âge désignait un repaire de mendiants, d’escrocs, de voleurs, une zone de non-droit. Il avait pourtant au tout début de ses conclusions martelé : « ce n’est pas un procès politique ». Malaise.

Concernant ensuite cette histoire ridicule de texto relayé par Eric Nanette et dont Ruddy avait été un des destinataires, ce dernier avait été interrogé par la police : « pensez-vous que ce SMS soit de nature à faire chauffer le climat social ? » ; il avait eu le malheur de répondre « oui », pensant certainement plus au contenu, les propos pour lesquels Huygues-Despointes sera poursuivi pour incitation à la haine raciale, qu’au fait même de relayer ce message. Dans la bouche de maître Tacita, cela devient : 

« il va retrouver Nanette qui lui avait dit le matin des faits qu’il fallait chauffer le climat social » et se tournant vers Ruddy avec un doigt inquisiteur : « comment se fait-il qu’on s’adresse à vous pour faire chauffer le climat social ?! »
Il fait ensuite le parallèle avec l’agression des forces de l’ordre qui a conduit Alex Lollia, secrétaire général de la CTU, à l’hôpital la veille. « On comprend mieux que lui et ses camarades soient remontés. » Et ainsi donc il fait plus que sous-entendre que les cadres de la CTU, comme Nanette, ont poussé des jeunes comme Ruddy Alexis au crime pour venger « leur chef ». 




Règlements de compte



A cet instant de sa plaidoirie, je ne peux que resonger à l’indignation exprimée de façon si grandiloquente par Patrice Tacita alors que maître Démocrite demandait qu’on arrête de « torturer » Martinvallet en relisant pour la énième fois sa déclaration, phrase par phrase, alors qu’il avait déjà admis avoir livré un faux témoignage :
« Respectez la mémoire de Jacques Bino !!!! Respectez la douleur de Marie-Antoinette Datil !!!! Respectez la douleur de son fils !!!! »
avait tonné l’avocat de la partie civile en plein tribunal ! Et ainsi donc ceux-là même qui osaient parler du respect de la famille, qui l’ont entraîné, cette famille si éprouvée, dans pareille mascarade de justice avec le résultat qu’on sait, ainsi donc, ce sont eux qui n’ont pas hésité à instrumentaliser la douleur de la famille et tout ça pour quoi ? Pour régler des comptes entre nationalistes et le syndicat trotskiste, de vieilles querelles ?! Le moment est pathétique, la scène surréaliste, furieux Lollia quitte l’audience brutalement. (3)





Deux postures politiques différentes



Le malaise est renforcé par l’absence remarquée d’Elie Domota qui n’a pas souhaité témoigner. Il aurait préféré que tous ensembles, avocat de la défense et de la partie civile défendent l’innocence de Ruddy Alexis et surtout qu’ils exigent que la vérité soit faite sur les véritables conditions du meurtre de Jacques Bino. Il n’a cependant pas voulu prendre partie pour la défense à partir du moment où l’équipe de Tacita défendait les intérêts de la veuve de Jacques Bino. Cela serait revenu à prendre position contre elle, ce que son éthique lui défendait. 
A côté de cette position, on saluera d’autant plus le courage politique et le sens de la justice de Jean-Marie Nomertin, secrétaire général de la CGTG, qui, en dépit du fait que Jacques Bino faisait partie de sa centrale, n’a jamais pu se résoudre à laisser un innocent se faire condamner et conséquemment, a clairement pris position pour la défense de Ruddy Alexis. Cela a naturellement été mal compris par une partie de sa base qui estimait que sa place était au côté de Marie-Antoinette Datil et non de celui qu’on accusait du meurtre de leur camarade, mais Nomertin a toujours refusé cet antagonisme voulu par le seul Patrice Tacita. En exigeant sans relâche et en continuant à exiger la vérité sur la mort de Jacques Bino et en refusant de cautionner cette parodie d’enquête, en condamnant enfin la manipulation des Tacita, il n’a certainement trahi ni Marie-Antoinette Datil, ni son fils et encore moins la mémoire de son camarade et ami. Bien au contraire !



FRédéric Gircour (chien.creole@gmail.com)

(1) Chabin : métis à la peau claire
(3) lire l'encadré à la fin de l'excellent article de Boris Colombet France-Antilles : Procès de Ruddy Alexis, un fiasco pour l'accusation  

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